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Mythes et réalités de l’entreposage des grains : la technologie n’est pas une solution, mais un outil!


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L’illusion du contrôle total


L’entreposage du grain, c’est un peu comme jouer une longue partie d’échecs contre la nature. Chaque coup compte : la température, l’humidité, la circulation d’air, les impuretés, la météo, et même la durée de l’entreposage. Pourtant, au fil des années, un mythe s’est installé dans le monde agricole : celui que la technologie peut tout régler.


Avec la montée des systèmes de surveillance automatisés et des plateformes connectées, certains producteurs croient que le risque de perte ou de détérioration du grain appartenait au passé. “Après tout, si un ordinateur surveille en temps réel mon silo, que pourrait-il m’arriver?” La réalité, cependant, est bien différente.


La technologie ne remplace pas les bonnes pratiques, elle en est le prolongement. Elle ne peut compenser un silo mal géré : grains trop humides, forte présence de déchets, un mauvais refroidissement ou encore une mauvaise ventilation.


Dans cet article, on vous propose donc de démystifier les croyances qui circulent sur l’entreposage et de rappeler les fondements incontournables d’un entreposage, qu’aucune technologie ne peut remplacer 😉

1. Le mythe du “silo intelligent” : quand la technologie donne un faux sentiment de sécurité


1.1 Le discours séduisant de la technologie

Les manufacturiers de systèmes d’entreposage connectés parlent souvent d’« entrepôt intelligent », de « monitoring 24/7 », voire de « système qui travaille à votre place ». Ces termes, très efficaces sur le plan marketing, créent une illusion : celle qu’une ferme équipée d’un tel système est à l’abri de tous les problèmes, mais un capteur seul ne corrige rien.


Un système de surveillance ne fait que mesurer, actionner et alerter. Il peut informer qu’il y a un problème, mais il ne résout pas la cause : humidimètre décalibré, erreur de calibration des sondes au séchoir, trop d’humidité, mauvaise répartition de la ventilation, grain compacté, trop de gousses de soya, etc.


1.2 Le risque du relâchement des pratiques

Plusieurs producteurs le reconnaissent : après l’installation d’un système automatisé, la vigilance tend à diminuer. L’humain fait confiance à la machine. Pas étonnant, pour certaines tâches, elle est beaucoup plus efficace, comme partir la ventilation au bon moment.


La conséquence est qu’on visite moins souvent les silos, on vérifie moins les installations, on mesure moins souvent l’humidité au séchoir. Or, les problèmes d’entreposage, moisissures, échauffement, germination, insectes, n’apparaissent pas d’un seul coup. Ils s’installent progressivement, souvent dans des zones où les capteurs ne mesurent pas directement.


Un système traditionnel de monitoring par câble peut donc ne rien signaler pendant que, quelques pieds plus loin, une poche humide commence à chauffer lentement.


2. Les réalités physiques de l’entreposage : des lois naturelles immuables


2.1 La physique du grain

Le grain entreposé n’est pas une matière inerte. C’est une masse vivante qui respire, échange de la chaleur et de l’humidité avec l’air ambiant.


Les contrastes de température provoquent des déplacements d’air et d’humidité à l’intérieur du silo. Un phénomène sous-estimé est que lorsque l’air froid entre par la prise du ventilateur d’un silo chaud, l’air se réchauffe et monte vers le haut, créant une circulation d’air par convection. Résultat : une accumulation d’humidité et de chaleur dans l’entretoit, propice à la condensation. C’est d’ailleurs une des principales causes de problèmes d’entreposage qu’on voit à l’hiver lorsque la température automnale est chaude. Si vous baissez la garde, vous vous faites avoir systématiquement.


La technologie peut vous aider à garder une température de grain uniforme afin de diminuer grandement l’apparition de condensation. Encore faut-il que votre ventilation soit adéquate! Imaginez mettre un régulateur de vitesse sur une voiture sans moteur. Assurément, les résultats seront décevants.


2.2 L’humidité, l’ennemi numéro un

Le taux d’humidité du grain est le premier facteur de risque. Trop élevé, il accélère la respiration du grain, favorise la prolifération microbienne et l’échauffement. Trop bas, il entraîne des pertes économiques par un surcoût de séchage et la perte de poids. La clé, c’est l’équilibre.


Mais cet équilibre ne s’obtient pas en appuyant sur un bouton. Elle se gagne par une série de bonnes pratiques :

  • Vérifier l’humidité à la réception avec un bon humidimètre calibré;

  • Un séchage uniforme et bien contrôlé;

  • Refroidir progressivement le grain après le séchage;

  • Ventiler de façon régulière, selon les conditions de l’air extérieur;

  • Inspecter ses installations au fil des semaines.


La technologie aide à mesurer et à automatiser certaines tâches, mais c’est l’humain qui est responsable d’inspecter et de programmer le système.

ATTENTION: Gardez à l’esprit que pour chaque 2% d’humidité, la respiration cellulaire du grain double.


2.3 La température, le 2e ennemi en puissance

Bien que votre grain soit sec, la température peut vous jouer de sérieux problèmes. Elle accélère la respiration cellulaire, augmentant les risques d’échauffement, mais peut devenir un attrait très intéressant pour les insectes et la vermine. Plutôt intéressant, non? Nourriture abondante et endroit chaud pour se réfugier lorsque les températures baissent à l’automne.


ATTENTION: Gardez à l’esprit que pour chaque 5 degrés Celsius, la respiration cellulaire du grain double.


3. Les bonnes pratiques : fondement d’un entreposage réussi


3.1 Avant l’entreposage : préparer la récolte

L’entreposage commence au champ. Un grain abîmé mécaniquement ou mal nettoyé ne se conservera pas bien, peu importe la technologie utilisée.

Voici quelques principes essentiels :

  • Récolter à la bonne maturité;

  • Ajuster la moissonneuse-batteuse pour minimiser les grains fendus;

  • Nettoyer les grains pour réduire les impuretés;

  • Éviter de mélanger des lots avec de grands écarts d’humidité dans un même silo.


3.2 Pendant le séchage : uniformité avant tout

À la récolte, le grain n’est pas uniforme! La taille des grains est variable et l’humidité de chaque grain l’est tout autant. Donc le temps de séchage pour chaque grain est également variable. Donc à la sortie de votre séchoir, vous obtenez un “mélange” de grains avec une humidité moyenne que vous tentez de mesurer. Par ailleurs, est-ce que votre humidimètre est bien calibré?


Malheur, votre séchoir aussi est imparfait! Il ne sèche pas votre grain uniformément. Les séchoirs comme les silo-séchoirs et séchoir Topdry sèchent des lots de façon variable. Même les petits séchoirs à colonnes ne le font pas! Simplement parce que chaque colonne aura tendance à sécher différemment.

Inévitablement, l’humidité est variable et peut osciller entre 10% et 24%. Cette hétérogénéité est l’une des principales causes de problèmes d’entreposage.


Il est donc crucial de :

  • bien calibrer vos sondes d’humidité avec un bon protocole de test;

  • prélever plusieurs échantillons à la sortie du séchoir;

  • ventiler longuement après le séchage pour homogénéiser l’humidité.


3.3 Après l’entreposage : surveiller sans relâche

Une fois les silos pleins, le travail ne fait que commencer! Les meilleures pratiques incluent :

  • Des cycles de refroidissement successifs pour éviter la condensation et les différences de température;

  • Des cycles de ventilation réguliers, surtout après la récolte;

  • Des vérifications physiques (condensation visible, inspection de surface, infiltration d’eau ou de neige);

  • L’analyse de la concentration de CO₂, un excellent indicateur d’activité biologique!


Un système automatisé facilite la ventilation et la détection précoce de problèmes d’entreposage, mais il ne remplace pas les inspections physiques. Il doit être vu comme un outil pour améliorer vos pratiques, pas comme une assurance tous risques.


4. Les limites de l’automatisation


4.1 Les capteurs ont une portée limitée

Un capteur mesure un point précis. Dans un silo de plusieurs centaines de tonnes, les câbles d’humidité et de température ne “détectent ou surveillent” qu’une petite zone autour d’eux. Un point chaud ou une zone de moisissure peuvent passer inaperçus s’ils se trouvent entre deux sondes. Même les fabricants de câbles le disent!


4.2 La dérive et la calibration

Les capteurs de température et d’humidité doivent être inspectés et calibrés. Une sonde d’humidité déréglée de 2% peut fausser les décisions de ventilation, créant un écart d’humidité de grain de 0,5%.


Les algorithmes avancés peuvent compenser certaines dérives, mais rien ne vaut la précision et la rigueur humaine. Un bon suivi et une calibration périodique sont de mise.


4.3 Les algorithmes ne remplacent pas le jugement

Certaines technologies vous permettent d’analyser automatiquement les conditions pour décider quand ventiler. Mais un algorithme ne sait pas si un grain est biologiquement actif, ni si la météo sera propice dans les jours à venir. Il ne connaît pas non plus les particularités d’un silo : type de ventilateur, efficacité de la ventilation, propreté du grain entreposé, durée d’entreposage, etc.


Le jugement du producteur, fondé sur son expérience et sa connaissance du comportement du grain, reste irremplaçable. Vous vous lancez dans la production de grains? Dans le séchage et l’entreposage? Avez-vous pensé à suivre une de nos formations sur le séchage et l’entreposage? Cliquez ici pour vous inscrire 👉 Conférences | Plusieurs sujets disponibles | agrilog


5. Les vrais avantages de la technologie : un levier de précision et de réactivité


Il ne s’agit pas ici de dénigrer la technologie. Les outils modernes (systèmes de surveillance en ligne, capteurs CO₂, plateformes de gestion de la ventilation) sont formidables lorsqu’ils sont bien utilisés.


5.1 Détection précoce des anomalies

Les systèmes permettent de repérer plus rapidement les problèmes d’entreposages, comme les problèmes de moisissure, de condensation et d’échauffement. 


Le saviez-vous? Les sondes CO2 d’agrilog sont sans fil et permettent de détecter les problèmes 4 à 5 semaines plus tôt que les autres solutions sur le marché.


5.2. Optimisation énergétique

Les plateformes automatisées peuvent vous aider à optimiser la consommation d’énergie, en activant la ventilation uniquement lorsque les conditions extérieures sont favorables (température et humidité relative de l’air ambiant).


Nos observations démontrent que la ventilation automatisée est 65% plus efficace qu’une ventilation manuelle. Pour en savoir plus, lisez notre article sur la ventilation automatique.


5.3. Suivi à distance et gain de temps

Pouvoir suivre en temps réel ses opérations à partir d’un téléphone ou d’un ordinateur, c’est une avancée majeure. Cela permet d’anticiper les interventions, d’éviter les déplacements inutiles, de coordonner vos équipes et d’avoir un historique complet des opérations.


Mais encore une fois, ces bénéfices s’ajoutent à la rigueur des bonnes pratiques, ils ne les remplacent pas!


6. Études de cas : quand la technologie ne suffit pas


Cas 1 — Séchage du maïs à l’air ambiant : réussite

Parce qu’un silo bien monté, selon les règles de l’art, fait toute la différence (Youtube - Silo PressureCure). C’est le cas de Monsieur Jocelyn Michon, la ferme Jocelyn Michon à La Présentation. Avec ses silos-séchoir de type PressureCure, Jocelyn sèche chaque année 900 tonnes de maïs, de 25% à 14,5%, uniquement par la pression de l’air.


ATTENTION: Bon nombre de producteurs ne réussissent pas comme monsieur Michon. Certains ont déjà perdu l'ensemble de leur silo! Une perte majeure. Pourquoi? Grain mal nettoyé, faible ventilation, quantité de grain trop élevée, bref les bonnes pratiques n’ont pas été suivies à la lettre.


Une technologie qui bonifie la technique

En plus d’un bon silo, monsieur Michon automatise la ventilation de son silo PressureCure en fin de séchage pour réaliser des économies d’énergie. Selon lui, tout dépendamment des conditions de récolte, il économise de 30 à 60% d’électricité par année. (Témoignage)


Cas 2 — Séchage du maïs à l’air ambiant : Échec

Un jour j’ai reçu un appel d’un producteur qui s’était équipé d’un silo dit PressureCure, mais qui ne suivait pas les critères requis pour la ventilation de séchage à l’air ambiant. Bilan, environ 250 tonnes de maïs biologique, d’une valeur marchande de 500$ à l’époque, sévèrement dégradé. Une perte estimée à environ 100 000$.


Pourtant, le silo disposait d’un système de ventilation automatisée avec des câbles de monitoring. Que s’est-il donc passé? C’est bien simple, la technique de séchage PressureCure EXIGE une forte ventilation pour créer une pression d’air suffisante pour sécher uniformément l’ensemble du silo. Une ventilation inadéquate crée des canaux d’air préférentiel, ce qui fait que le silo se ventile comme un gruyère. De plus, le silo n’a pas été refroidi correctement à l’hiver, ce qui a aussi contribué à l’échauffement du grain.


Ces exemples illustrent une vérité simple : La technologie est impuissante si votre installation n’est pas adéquate.


Vous désirez sécher à l’air ambiant? Sachez que cette technique est largement répandue, qu’elle à ses avantages et qu’elle est sécuritaire tant et aussi longtemps que vous avez un silo CONFORME à la méthode et que vous respectez la façon de faire. Vous avez besoin d’accompagnement? Réservez une rencontre avec moi.

7. Vers un équilibre : intelligence humaine + outils technologiques


L’avenir de l’entreposage repose sur l’adéquation entre la technologie et l’expertise humaine. L’automatisation apporte la précision, la constance et la rapidité de détection, mais c’est l’humain qui apporte le contexte, l’intuition et la capacité d’action.


Nul besoin de choisir entre la technologie et la pratique, mais de les réunir:

  • Rédigez un plan de travail aligné sur les bonnes pratiques d’entreposage;

  • Maintenez votre installation en parfait état.

  • Calibrez vos instruments et vos capteurs pour toujours avoir la bonne information;

  • Utilisez les données pour orienter votre prise de décision;

  • Planifiez et automatisez votre ventilation

  • Configurez les alertes selon la réalité du site;

  • Faites des suivis périodiques sur votre portail;

  • Continuez les inspections physiques.


Conclusion : le savoir-faire et la vigilance humaine, la clé du succès


L’entreposage des grains ce n’est pas une science exacte, c’est un art soutenu par la science. La technologie transforme cet art, mais ne le remplace pas.


Croire qu’un système automatisé peut sécuriser à 100 % un entreposage, c’est oublier que les causes profondes des problèmes sont physiques, biologiques et humaines. La surveillance numérique ne sert à rien si le grain est mal séché (trop humide avec beaucoup d’impuretés), si la ventilation n’est pas appropriée, ou si aucun suivi physique n’est fait.


Les producteurs qui réussissent année après année ne sont pas ceux qui ont le plus de capteurs, mais ceux qui ont le plus de rigueur. Bien entendu, c’est du temps et de l’énergie. Et c’est cette rigueur, soutenue par la technologie, fait toute la différence entre un entreposage risqué et un entreposage maîtrisé.


Sources: 

Caractéristiques des grains à différentes positions dans une colonne de séchage. (Tiré de D. Désilets, 1996)



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