Maîtrisez la diminution (shrinkage) pour éviter la perte invisible.
- isabelle7349
- 22 août
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Dernière mise à jour : 24 août

Diminution et expansion des grains - Pourquoi en parler?
En agriculture, la récolte représente l’aboutissement d’une année de travail acharné. Chaque hectare semé, chaque heure passée au champ et chaque dollar investi se traduit en rendement de grains. Pourtant, ce grain n’est pas une matière première inerte : c’est un produit vivant, qui respire et est hygroscopique, qui absorbe et rejette de l’humidité.
Cette caractéristique entraîne un phénomène que tout producteur connaît bien : la diminution (shrinkage) et l’expansion du grain. Ces termes renvoient à la relation directe entre le volume, le poids et le taux d’humidité. Comprendre cette dynamique est essentiel, car elle impacte directement le revenu final de la ferme.
Dans cet article, nous allons :
expliquer la relation entre le volume, le poids et l’humidité du grain;
démontrer l’impact économique de livrer un maïs trop humide (par exemple à 17 %);
analyser les pertes financières d’un maïs livré trop sec (par exemple à 13,5 %);
proposer des alternatives pour mitiger le risque de sur-séchage et maximiser la rentabilité.
Comprendre la relation entre le volume, le poids et le taux d’humidité
La composition du grain
Un grain est composé de deux éléments :
La matière sèche (MS) : elle comprend l’amidon, les protéines, les lipides et les fibres.
L’eau (H₂O) : c’est la fraction variable en eau qui détermine le taux d’humidité.
L’équation est la suivante :
Poids total = Poids de la matière sèche + Poids de l’eau
Calculateur en ligne : Calculez la perte de poids en raison du séchage
Exemple : 100 kg de maïs grain à 15 % d’humidité contient :
85 kg de matière sèche
15 kg d’eau.

L’effet du taux d’humidité sur le poids
Le marché ne paie pas pour la quantité d’eau, seulement pour la matière sèche. Ainsi, deux lots contenant la même quantité de matière sèche, avec des taux d’humidité différents, auront des poids différents. Donc des valeurs commerciales différentes.
Lot A : 100 kg à 15 % → 85 kg de matière sèche.
Lot B : 100 kg à 17 % → 83 kg de matière sèche.
Visuellement, le poids brut semble identique, mais la valeur réelle en matière sèche est inférieure dans le lot B. L’acheteur ajuste donc le prix via un facteur de diminution (shrinkage).
L’effet du taux d’humidité sur le volume
Le volume est souvent exprimé en hectolitres (Québec) ou en boisseau (États-Unis). Un hectolitre de maïs sec à 14,5 % pèse environ 72 kg. Plus le grain est humide, plus le poids par hectolitre diminue, car l’eau est plus légère que l’amidon du maïs.
Produit | Densité réelle (g/cm³) | Densité apparente (kg/hL) | Espace de vide ε (%) |
Eau | 1000 | 100 | 0,0 |
Maïs | 1302 | 72 | 44,7 |
Soya | 1232 | 75 | 39,1 |
Blé | 1404 | 75 | 46,6 |
Orge | 1304 | 60 | 54,0 |
Canola | 1087 | 65 | 40,2 |
Densité réelle et apparente des principaux grains commercialisés au Québec. (1)
Ainsi :
Maïs à 13,5 % → 73,5 kg/hL
Maïs à 14,5 % → 72 kg/hL (référence)
Maïs à 17,0 % → 70 kg/hL
À juste titre, en séchant le maïs, il gagne en poids. Ce qui veut dire qu’un maïs de grade #3 pourra être reclassé en grade #2 en raison de l’augmentation de sa densité pendant le processus de séchage.
Mais attention! Un grain qui a atteint sa pleine maturité gagnera en poids. Dans l’inverse, un grain qui n’a pas atteint sa pleine maturité pourrait perdre du poids. Surtout si ce grain est chauffé à haute température.
Ce tableau (2) permet de prévoir le poids spécifique du maïs bien mûri avant le séchage
Plage d’humidité | Quantité à ajouter(kg/hl) | Quantité à ajouter(g/0,5L) |
15,8 à 16,4 | 0,5 | 2,6 |
16,5 à 16,9 | 1 | 5,2 |
17,0 à 17,3 | 2 | 10,5 |
17,4 à 17,6 | 2,1 | 11 |
17,7 à 17,9 | 2,2 | 11,5 |
18,0 à 18,3 | 2,3 | 12 |
18,4 à 18,6 | 2,4 | 12,5 |
18,7 à 18,9 | 2,5 | 13 |
L’impact économique de livrer un grain trop sec

Pourquoi c’est un problème
À première vue, on pourrait croire qu’un grain plus sec est toujours meilleur. En réalité, le producteur perd du poids commercialisable. Chaque point d’humidité en moins réduit la masse totale sans augmenter la matière sèche.
Exemple concret : maïs à 13,5 %
Supposons qu’un producteur livre 100 tonnes de maïs à 13,5 %.
86,5 tonnes de matière sèche
13,5 tonnes d’eau
En comparaison avec 100 tonnes de maïs à 14,5%
85,5 tonnes de matière sèche
14,5 tonnes d’eau
Matière sèche livrée en trop :
( 86,5 Tm / 85,5 Tm ) = 101,17%
Équivalent en matière sèche sur une base à 14,5%:
100 tonnes * 101,17% = 101,17 tonnes
Perte de revenus :
101,17 tonnes - 100 tonnes = 1,17 tonnes
La matière sèche est identique, mais le producteur perd environ 1,17 % de poids commercialisable.
Conséquences :
Pour chaque 100 tonnes -> 1,17 tonne de maïs à 250 $/t -> Perte de 292,50$
Pour 1000 tonnes, 2 925$
Pour 10 000 tonnes, 29 250$

Autres pertes cumulatives
Au-delà de la perte en poids, il faut ajouter :
La surconsommation de carburant pour le séchage ($$)
Un temps de séchage plus long et un ralentissement du chantier de récolte
L’augmentation du % de grain cassé dû à l'augmentation de la fragilité du grain
L’augmentation du risque de déclassement du grain ($$)
L’impact économique de livrer un grain trop humide

Le mécanisme de pénalité
Lorsqu’un grain est livré au-dessus du taux réglementaire, généralement de 14,5 %, l’acheteur applique :
Une diminution en fonction du surplus d’humidité.
Des frais de séchage pour ramener l’humidité au niveau commercial
Une pénalité additionnelle (freinte) pour couvrir les pertes et de manutention
La diminution est calculée comme suit :
Diminution (%) = ( humidité livrée − humidité cible) / ( 100 − humidité cible) × 100
Exemple concret : maïs à 17 %
Supposons qu’un producteur livre 100 tonnes de maïs à 17 % d’humidité.
Base de référence : 14,5 %.
Écart : 2,5 points.
Diminution (%) = (17% − 14,5%) / (100% − 14,5%) × 100 = 2,9%
En conséquences :
Poids payé = 100 t – 2,9% x 100 t = 97,1 t.
À 250 $/t :
Valeur brute = 25 000 $.
Valeur payée = 24 275 $.
Diminution = 725 $ sur la livraison.
À cela s'ajoutent des frais de séchage facturés directement (ex. 1,25 $/point → 1,25$/pt x 17 pts x 100 t = 2 125 $).
Risque supplémentaire
Au-delà de la perte financière, livrer un grain trop humide comporte un risque de frais de transport additionnel. Certains acheteurs peuvent refuser la cargaison si elle dépasse un seuil commercial (souvent 15 %).
5 conseils pour éviter la livraison de grain trop sec
Suivi précis de l’humidité

L’une des clés est d’utiliser des humidimètres fiables, calibrés avec un protocole de test rigoureux.
Les appareils modernes, comme l’AM5200-A de Perten, permettent de tester rapidement et précisément vos échantillons. En multipliant la quantité de test et en effectuant des suivis rigoureux sur votre séchage, vous augmenterez le contrôle sur votre humidité de grain et le poids de votre récolte.
Automatisation des séchoirs
Les systèmes de contrôle modernes de séchage, comme le contrôleur Drylog d’agrilog, optimise votre séchoir pour un séchage uniforme, de qualité et une humidité cible idéale de 14,5 %.
Aération stratégique de vos grains
L’aération automatisée permet d'uniformiser l’humidité du grain au taux d’humidité que vous désirez. Cale évite également de sur-sécher votre grain dans le fond de vos silos.
Si vous récoltez un grain trop sec, un système intelligent, comme le Silog d’agrilog, peut humidifier grâce au principe d’équilibre des grains. Vous utilisez donc l’air ambiant en période humide pour ajouter du poids dans votre récolte.
Mélange (blending) de grains
Le mélange de grains consiste à combiner des lots d’humidité différente pour obtenir une moyenne souhaitée. Les acheteurs peuvent gagner à mélanger des lots afin d’optimiser le poids vendu tout en réduisant leur frais de séchage.
Pour faciliter le suivi de ce type d’activité, agrilog offrent des sondes d’humidité de grain connectées à la plateforme agrilog.
Exemple :
50 tonnes à 13 % + 50 tonnes à 16 % → 100 tonnes à 14,5 %.
Économie de séchage du blé à 16% de 18$/tonne : 50 tonnes x 18$/tonne = 900$
⚠️ Toutefois, ce procédé nécessite un contrôle rigoureux et comporte des risques de conservation si l’écart est trop élevé. Il n’est pas recommandé de mélanger un grain de plus de 2% au-dessus du seuil réglementaire d’entreposage. Une ventilation sera également nécessaire pour favoriser le transfert d’humidité entre les grains humides et secs.
Contrats de vente flexibles
Certains producteurs négocient avec les acheteurs des clauses permettant une tolérance d’humidité (±0,5 %) afin d’éviter des pertes sur un sur-séchage marginal. Par exemple, sur plusieurs livraisons, un acheteur comptabilisera une moyenne d’humidité livrée et acceptera un léger dépassement de l’humidité de 0,5% sur quelques voyages.
Conclusion : viser la précision!
La diminution et l’expansion des grains sont des réalités incontournables pour tout producteur. Chaque point d’humidité en trop ou en moins peut représenter des milliers de dollars de perte à l’échelle de l’entreprise.
Un maïs livré trop humide entraîne des pénalités directes et des frais de séchage.
Un maïs livré trop sec entraîne une perte invisible mais bien réelle de poids commercialisable.
La clé est donc de viser la cible réglementaire avec précision. Cela passe par :
des outils de mesure fiables;
des séchoirs bien calibré et automatisés;
une stratégie d’aération adaptée;
des protocoles de travail rigoureux (test, calibration, séchage, ventilation, etc.).
En optimisant la gestion de l’humidité de votre grain, vous vous assurez non seulement de maximiser votre revenu, mais aussi de sécuriser la qualité de votre récolte.

(1) La densité des produits est relativement variable selon le volume occupé par le grain, son calibre, sa qualité, le taux d’humidité de référence, etc. Les valeurs présentées sont des moyennes.
Références :